ET SI LA RÉVOLUTION PETFOOD PASSAIT PAR LA PROTÉINE D’INSECTES ?

La “ Revolution Food ” est en marche, y compris en nutrition animale. Eh oui, il faudra désormais compter sur les insectes pour nourrir nos patients à quatre pattes ! Mais quels sont les bénéfices nutritionnels de ce surprenant ingrédient ? Et, 2023 oblige, quelle est son empreinte écologique ? Immersion au cœur d’une source de protéines innovante et prometteuse, avec Paola Teulières et Madeleine Morley, cofondatrices de la start-up petfood Entovet …

Madeleine et Paola portent leur projet avec passion et enthousiasme. Il y a cinq ans, ces deux amies d’enfance se lancent dans le programme “ Ticket for change ” puis rejoignent l’incubateur féminin Willa pour lancer ENTOVET (gamme vétérinaire) et TOMOJO (gamme grand public), croquettes made in France à base de protéines d’insectes. En février 2022, après la constitution d’une équipe d’une quinzaine de personnes et deux tours de levée de fond, elles confortent leur place de pionniers de l’insecte sur le marché de la petfood. Leur objectif : faire de la protéine d’insectes un ingrédient nutritionnel qualitatif, durable, fiable et économiquement compétitif. Le défi est de taille !

QUEL IMPACT ÉCOLOGIQUE ?  

C’est évidemment l’un des principaux enjeux de la Revolution Food. Alors que la population mondiale devrait atteindre 9,5 milliards d’humains d’ici 2050, la question de la préservation de nos ressources est de plus en plus pressante. Déjà consommée par plus de deux milliards de personnes dans le monde, particulièrement en Asie, Afrique et Amérique du Sud [1], la protéine d’insecte semble être une alternative aux protéines animales conventionnelles, que ce soit pour l’alimentation des animaux domestiques ou pour l’aquaculture [2].

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • La production de 1 kg d’insectes produit 7 fois moins de dioxyde de carbone que pour une quantité similaire de bœuf.
  • Cette production nécessite 11 fois moins de surface en terres agricoles que celle de la viande bovine.
  • Le taux de conversion de l’insecte (quantité de nourriture requise pour engendrer une hausse de 1 kg) est de 2,1 contre 25 pour le bovin.

Paola explique : “D’un point de vue écologique et environnemental, cette nouvelle source d’alimentation est  révolutionnaire même si elle constitue un véritable défi pour les professionnels de l’agroalimentaire, notamment pour ceux qui, comme nous, souhaitent s’engager dans une démarche écoresponsable.” Et Madeleine d’ajouter : “Mais cocorico, la France est un des leader mondial dans la production d’insectes ! Ce qui permet aux jeunes pousses françaises comme nous d’assurer un sourcing et une production 100% locale pour nos croquettes vétérinaires aux insectes.”

L’ÉCORESPONSABILITÉ DE LA PROTÉINE D’INSECTES, INFO OU INTOX ?

Les acides gras jouent un rôle important pour la croissance, la reproduction et le maintien d’une peau saine chez les chiens (3). Ils sont donc des composants de premier choix pour les chiens ou les chats souffrant de dermatites.

Lorsqu’on parle de petfood, d’impact écologique et d’insectes, une question controversée revient toujours : la protéine d’insectes est-elle vraiment plus “écolo” que les protéines animales traditionnelles, puisque la petfood utilise les coproduits de la viande qui ne sont pas utilisés en alimentation humaine et seraient donc gaspillés ?

Éclairage : Selon la réglementation européenne, les coproduits de viande et de poisson utilisables en alimentation des animaux de compagnie, sont créés au cours du processus de fabrication et en même temps que les produits “nobles” destinés à la consommation humaine. L’utilisation de ces coproduits est donc une façon de mieux valoriser la production de protéines animales (“ déchets recyclés”) sans entraîner de “ surcoût ” écologique. 

En effet, l’impact écologique de la production de ces coproduits (aliments pour animaux d’élevages, terres, engrais…) est finalement inclus dans celui de la production de viande ou de poisson à destination de la consommation humaine. À ce stade, l’impact de l’utilisation de ces coproduits semble donc neutre. Mais, cette rentabilité supplémentaire incite les acteurs de la filière animale à maintenir leur production voire à l’augmenter. Et en ce sens, l’utilisation des protéines animales dérivées de la filière de consommation humaine pose question car en augmentant la production, l’impact écologique augmente inévitablement.[3]

De plus, le taux d’incorporation des protéines d’origine animale étant, en toute logique, très élevé pour les aliments destinés aux carnivores domestiques, l’utilisation des insectes comme source protéique semble être une alternative solide du point de vue écologique. Sur ce sujet, Paola Teulières ajoute “Et bonne nouvelle : en plus d’être écoresponsable, la protéine d’insectes est très qualitative pour nos animaux !” Car en effet, nourrir “plus écolo » : oui, mais pas au détriment de la qualité nutritionnelle et donc de la santé des carnivores domestiques…

QUELS BÉNÉFICES NUTRITIONNELS ? 

Qualité et biodisponibilité

Une étude révèle que la qualité des protéines dans les larves de certains insectes (notamment la mouche soldat noire) est excellente [4]. Celle-ci montre notamment une composition élevée en protéines biodisponibles. D’autre part, le profil en acides aminés (“aminogramme” pour les intimes) de la protéine d’insectes est équivalent à celui de la volaille. En outre, il semble que l’apport en acides aminés essentiels soit donc facilement atteint avec cette source protéique [5].

Par ailleurs, d’autres résultats indiquent que les protéines de la mouche soldat noire pourraient être efficaces pour lutter contre le stress oxydatif cellulaire [6]. La présence de molécules, comme l’acide laurique et certains peptides antimicrobiens, apporte un potentiel antioxydant et renforce la réponse immunitaire. Or, les farines de poulet et de poisson, utilisées dans l’alimentation des animaux d’élevage, n’offrent pas une protection suffisante contre les dommages liés à l’oxydation. Les dérivés des insectes fournissent donc une excellente source de protéines, dont les vertus anti-inflammatoire et antioxydante ont été mises en évidence.

Digestibilité

Les résultats d’une étude récente (2021), menée sur des chiens, qui compare la digestibilité des protéines de deux régimes alimentaires, l’un à base de farine d’insectes et l’autre de farine de volaille, montrent que les protéines d’insectes sont plus digestibles que celles issues de la volaille [7].

Propriétés hypoallergéniques 

Voici la question qui se cache toujours derrière la nutrition des carnivores domestiques ! En effet, de nombreux allergènes alimentaires sont connus chez le chien et le chat et ces allergies sont souvent accompagnées d’autres troubles (cutanés ou gastro-intestinaux). Une autre étude de 2021 montre le potentiel hypoallergénique d’une alimentation à base d’insectes sur des animaux atteints de dermatite atopique. Les lésions cutanées et le dysfonctionnement de la barrière cutanée de ces animaux ont nettement diminué chez les animaux nourris aux protéines d’insectes [8]. À ce sujet, Madeleine Morley nous précise que les aliments ENTOVET peuvent être utilisés dans le cadre de la prescription d’un régime d’éviction [9,10].

Par ailleurs, ce type d’aliment présente un bon équilibre électrolytique (ratio calcium/phosphore), ainsi qu’un pH urinaire prédictif qui participe à l’élimination naturelle des concrétions minérales. Les protéines d’insectes sont donc respectueuses de la santé des animaux.

« En matière de formulation, la farine d’insectes apporte un aminogramme similaire à celui de la volaille. Elle n’a pas de carences protéiques. La vraie révolution, c’est qu’elle contient un taux de cendres très faible, pas d’os. Les formulateurs d’ENTOVET ont toute liberté d’apporter les macro-éléments minéraux un par un et ainsi de maîtriser la balance anion-cation des animaux en fonction de leur âge, leurs activités y compris la résolution de certains troubles récurrents. » Docteur Éric Charles, vétérinaire nutritionniste, ancien président de la FEDIAF[SM3] , consultant vétérinaire technique et scientifique pour Entovet.[SM4]

ET L’APPÉTENCE DANS TOUT ÇA ?

Ecoresponsable, nutritionnellement bénéfique, c’est bien… Mais tout ça ne sert pas à grand-chose si les animaux ne s’y retrouvent pas gustativement… Eh oui, la base de la nutrition, c’est l’ingestion ! Et en la matière, nos carnivores domestiques sont beaucoup moins regardant que nous et font peu de cas de nos préjugés inconscients d’humains réticents à ingérer des insectes. Pour tout dire, ils semblent même attirés par les aliments secs à base d’insectes [11]. Rien de surprenant quand on sait que dans leur état naturel, certains carnivores (loups et chats sauvages) consomment occasionnellement des insectes.

Vous l’aurez compris, l’équation “écoresponsabilité + nutrition + appétence” est séduisante et les insectes sont en passe de devenir une alternative sérieuse face aux enjeux agroalimentaires et aux défis environnementaux et sociétaux actuels. Madeleine illustre ce constat : “Nous prenons le parti de proposer une véritable solution pour les propriétaires d’animaux souffrant d’allergies ou d’intolérances alimentaires tout en nous adressant à tous ceux qui souhaitent réduire l’impact écologique de leur compagnon”. Et Paola de conclure avec un sourire : “La Revolution Petfood est en marche !”

SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES 
[1]Entomophagy and Public Health: A Review of Microbiological Hazards – M. de Vries, I.J.M. de Boer (2010)
[2]The environmental sustainability of insects as food and feed. A review. Arnold van Huis & Dennis G. A. B. Oonincx, Agronomy for Sustainable Development volume 37, Article number: 43 (2017)
[3] Environmental impacts of food consumption by dogs and cats, PLOS ONE. Public Library of Science. (2017)
[4]In vitro digestibility and fermentability of selected insects for dog foods, Animal Feed Science and Technology 221, Bosch et al. (August 2016)
[5]Rapport d’analyses sur les aliments Entovet : Méthode de Boisen et Fernandez (1995), 2023
[6]Black Soldier Fly (Hermetia Illucens) Larvae Protein Derivatives: Potential to Promote Animal Health, Ange Mouithys-Mickalad, Eric Schmitt, Monika Dalim, Thierry Franck, Nuria Martin Tome, Michel van Spankeren, Didier Serteyn, Aman Paul, Animals (Basel). 2020 May 29;10 (6):941
[7]El Wahab et al. (2021) Insect Larvae Meal (Hermetia illucens) as a Sustainable Protein Source of Canine Food and Its Impacts on Nutrient Digestibility and Fecal Quality, Animals 2021,11(9), 2525
[8]Lee et al (2021). Clinical application of insect-based diet in canine allergic dermatitis. Korean Journal of Veterinary Research, 61(4)
[9]Verlinden, A., Hesta, M., Millet, S., & Janssens, G. P. (2006). Food allergy in dogs and cats: a review. Critical reviews in food science and nutrition, 46(3), 259–273. https://doi.org/10.1080/10408390591001117
[10] Règlement  (UE) 2020/354 de la commission  du 4 mars 2020 établissant une liste des destinations des aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers – Numéro d’inscription 13 – Réduction des intolérances à certains ingrédients et nutriments.
[11]Beynen AC 2018, Insect-based pet food